Les rasières de Roland
Un homme, une vannerie !
La mémoire des vanneries françaises repose de plus en plus souvent sur le savoir- faire de quelques-uns…
Illustration avec Roland Rougeolle.
Si, il en reste un !
« Faut être passionné pour fendre comme ça à 80 ans ! », nous dit Roland en sortant la tige de châtaignier de l’étuve… Passionné et passionnant !
En fait, il n’a pas tout à fait 80 ans quand nous le rencontrons. Quelques semaines le séparent encore de sa date anniversaire…
Avant de travailler à la chaîne chez Renault, il fut vannier professionnel ; le tout dernier vannier normand à travailler le châtaignier, comme le faisaient les anciens.
L’homme est alerte, vif et efficace. Son atelier est soigneusement rangé, les outils sont bichonnés… On sent l’homme de métier, l’ouvrier méticuleux qui a appris l’art et la manière.
Comme pour nombre de modèles, les rasières normandes doivent leur disparition aux plastiques. Ces corbeilles robustes, destinées à des usages domestiques et industriels ont fait l’objet d’un artisanat florissant. À Saint-Nicolas, on en faisait des centaines. Quand Roland a commencé sa carrière, il y avait encore plusieurs vanniers professionnels sur la commune, et maintenant plus un !
Si, il en reste un : lui !
Mais maintenant, il bricole et s’attarde à raconter ses débuts…
« À 13 ans…
… on me donnait une petite latte ; si j’arrivais à la fendre en deux, on m’en donnait une autre… »
Ainsi, les apprentis s’entraînaient, d’abord à la refente du bois, avant de passer au montage des corbeilles.
Pour Roland, le montage du panier est plus simple que la fente du bois. Il n’est pas le seul à penser ainsi. Ses élèves ne disent pas autre chose, à tel point que tous sont rebutés par cette étape difficile : « Jusqu’à maintenant, aucun d’eux n’a persévéré », déplore Roland.
Lui, il a appris d’un patron qui faisait du costaud, des paniers pour l’industrie, solides et pas chers ! À l’époque, cet objet de consommation courante n’était guère respecté, les paniers étaient souvent changés. Aujourd’hui, on les met dans des musées !
Avec son deuxième patron, le jeune vannier a pu affiner son travail. Des paniers ronds, il est passé aux formes carrées, mais cette fois, il a dû apprendre seul et trouver sa propre technique. Comme d’autres, il a formé ses paniers sur des cadres. Ainsi sont nées les grandes malles que les clients s’arrachaient encore il n’y a pas si longtemps.
La clématite, personne n’y a pensé !
Si le matériau de base, la latte de châtaignier, n’a pas changé, les secondaires, jeunes tiges de noisetier ou d’osier, ont été remplacés par le rotin. La robustesse est LA caractéristique des vanneries de Roland Rougeolle.
Mais le montage du fond lui aussi est original, avec ses lattes rapportées et coincées dans le fond, avant d’être rabattues pour former les côtés.
Roland nous explique : « Six lattes sont croisées, le tressage commence avec une latte fine, retournée en petit crochet, pour bien la coincer. Un premier tour est fait, la clisse peu large (noisetier) se termine sur elle-même (nombre pair de montants), un second tour est fait… Ensuite, trois brins de rotin sont coincés ensemble sous une latte. Ils sont tressés comme l’osier, en alternance, passant alternativement l’un devant l’autre. »
Autrefois, les vanniers utilisaient des jeunes brins de l’année, de noisetier ou d’osier fin, qui étaient alors présents partout. On imagine très bien que le rotin pourrait être remplacé par de la clématite, très abondante dans les bois alentours… Mais « Personne n’y a pensé, c’est pas dans la tradition des vanniers normands. »
Extrait d’un article écrit par Bernard Bertrand publié dans le Lien Créatif n°2
Pour lire la suite et se procurer le n° 2 cliquez ici