Édito : La bonne blague
Comme dans beaucoup de disciplines agricoles, l’apiculture a peu à peu glissé dans des pratiques d’élevage de plus en plus interventionnistes.
Je me souviens avoir eu, au tout début des années 80, des ruches (4 précisément) sur lesquelles je ne faisais que deux interventions annuelles : la pose de la hausse et la récolte du miel qu’elle contenait ! Et tout allait bien…
Et puis le varroa est arrivé. En provenance d’Asie, cet acarien, minuscule parasite des abeilles, a profité d’un terrain plus que favorable pour réussir une expansion fulgurante, en moins de 5 ans. Il aurait alors fallu traiter chimiquement toutes les ruches, il n’y avait, nous disait-on, pas d’alternatives possibles… La bonne blague !
Quelques résistances se sont organisées, mais rien qui puisse enrayer le cercle infernal : recours à la chimie, stress à répétition, fragilisation des populations. Un phénomène largement soutenu et amplifié par l’utilisation quasi massive en agriculture et jardinage, de produits dits « tête de mort », pour les abeilles, comme pour nous. Le tout finissant par provoquer l’effondrement dramatique des populations d’abeilles que l’on connaît aujourd’hui. Et l’on n’a pas évoqué les OGM…
« Et si on en faisait trop ! »
On en est là aujourd’hui, dans ce qui ressemble à une impasse ! Mais est-ce bien une fatalité ? Non, évidemment.
Cette enquête, auprès des apiculteurs ayant quelques connaissances sur l’usage des ruches anciennes, apporte des notes d’espoirs… De plus en plus de professionnels font leur mea-culpa : «Et si on en faisait trop ? Il y a quelques années à peine une reine vivait 5 ans, aujourd’hui certains la remplacent chaque année, au nom de la productivité ! Et on n’a jamais été autant en danger d’extinction ; il faudrait peut-être qu’on ouvre les yeux ! ».
Effectivement, la fuite en avant n’est pas une solution, surtout quand celle- ci s’éloigne du bon sens du vivant, car il y a une sagesse de la vie, on ne peut ni en douter, ni l’ignorer, même si on fait tout pour la contrarier !
Observant que des essaims sauvages continuaient de prospérer et de se multiplier, que des colonies complètement livrées à elles-mêmes se sortaient seules de cette panade, bien mieux que celles domestiquées, une idée simple fit son chemin : et si l’on créait des conservatoires d’abeilles sauvages, des lieux où, on les laisserait tranquilles ces insectes si précieux !
Et ça marche…
Pour cela, deux pistes sont explorées : la génétique et l’écologie. La génétique, c’est retrouver et protéger les abeilles locales, celles qui ont développé des résistances à leur milieu de vie. L’écologie, c’est proposer aux abeilles des conditions de vie les plus saines possibles (sans traitement aucun) et les plus proches possibles des conditions de vie sauvage. Parmi ces dernières, figure en premier rang, l’habitat. Ainsi, naissent des projets où l’on offre aux abeilles de pays (petites et noires le plus souvent…) des abris en terre crue ou cuite, d’autres des troncs creux, les derniers des ruches tressées, ou cousues ! Comme autrefois, diront les dénigreurs pro-interventionnistes…
Et alors, si ça marche ! Et cela semble bien être le cas, aussi c’est cet élan salvateur que nous souhaitons accompagner, et pour cela rien de tel que de transmettre dans ce numéro spécial « Des paniers au service des abeilles » tous les éléments techniques qui permettent de fabriquer des ruches rustiques, saines et confortables pour leurs hôtes. Allez amis(es) vanniers, tous ensemble sauvons les abeilles… Ne serait-ce que quelques colonies !
Bernard Bertrand
Extrait du LLC 7
Tags: apiculture, éditorial, paille, ruche