Édito : Aller au bout de ses rêves
On dit que les enseignements passent mieux quand on est jeune… Foutaise ! Jean-Claude, à qui je dois l’inspiration de cet éditorial, apprend la vannerie professionnelle à cinquante-neuf ans ! À l’âge où la peur de l’avenir est plus pesante que jamais, notre ami se lance dans l’aventure d’une nouvelle vie. D’une vie où il s’épanouit… enfin !
Il n’y a qu’à regarder la joie de vivre de ce tout jeune vannier professionnel pour comprendre que la maxime du « les enfants apprennent plus vite que les adultes » est loin d’être une règle… Les jeunes enfants apprennent vite et mieux par immersion, ça, c’est vrai… L’exemple des langues est parlant (sic). C’est tellement facile d’être bilingue quand on a une mère et un père d’origines linguistiques différentes… Mais dès lors que l’on parle d’enseignement imposé, alors là la maxime ne tient plus : combien d’années d’anglais première langue pour être incapable de pratiquer la langue de Shakespeare ? Pour ma part sept ans, et nous sommes nombreux dans ce cas.
Pour appartenir à la génération de Jean-Claude, celle des tout jeunes sexagénaires (ce n’est pas lié au sexe, mais au cap des soixante printemps…) et fort d’un certain vécu (si, si), je ne peux que constater le temps perdu sur les bancs de l’école… Les meilleures années, diton à juste titre. Pourquoi, pour qui ? Pour faire plaisir aux parents et les (se) rassurer ! À une époque où travailler était un droit, Coluche disait déjà que l’école était la meilleure porte d’entrée pour le chômage. Bref, et si l’on admettait enfin que, quel que soit l’âge, rien ne remplacera jamais la motivation. Passer son bac ou une licence à soixante-dix ans c’est possible, cela peut être plus facile qu’à quinze ou vingt ans ; vraiment il n’y a pas d’âge pour apprendre ! Tiens, essayez donc d’apprendre la vannerie à des ados qui jouent à la console… Ce qui est le plus difficile, quand on est enfant, n’est-ce pas justement de connaître nos motivations profondes : pilote d’hélicoptère ou pompier ? Le dilemme est terrible !
Et pourquoi dit-on que c’est plus difficile d’apprendre quand on prend de la maturité ? Parce que ce qui fait défaut alors, ce n’est pas la capacité intellectuelle elle même, mais le manque d’ouverture d’esprit… Rester ouvert dans sa tête, open disent nos amis anglophones, n’est apparemment pas si facile !
Ouvert d’esprit, mais aussi de corps… Si vous espérez apprendre le patin à roulettes à soixante balais, mieux vaut être sportif dans son corps, autant que dans sa tête…
« Il est resté jeune », dit-on alors. Là encore la formule laisse à désirer, bien des ados sont déjà vieux. Ce qui leur manque ? Justement, cette étincelle que certains parents et/ou enseignants de talent savent si bien transmettre.
Qu’on se comprenne bien, je ne dis pas qu’il faut rester analphabète, je ne dis pas non plus que l’école est inutile, ce serait idiot, j’y ai beaucoup appris, comme la patience… Je dis juste qu’il ne faut pas passer à côté de l’essentiel : se faire plaisir et aller au bout de ses rêves. Partant de là, il serait temps de tordre le cou aux clichés et aux préjugés les plus éculés…
Vous avez envie d’être vannier, il ne tient qu’à vous de l’être. Bien évidemment, cela ne se fera pas tout seul et parfois ça ne le fait pas du tout, parce que ceci et cela… Et alors, vous aurez été au bout de votre rêve, cela reste le meilleur des moyens pour bien vieillir et rester bien avec soi-même jusqu’au bout du bout !
Bernard Bertrand
Édito du LLC n° 13 (septembre 2015), disponible en version papier ou numérique (PDF).
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