Le châtaignier : Obtenir des lattes
Nous avons vu dans le premier volet de ce dossier « plante en vedette » (LLC n° 17, septembre 2016), la botanique et l’histoire du châtaignier ; nous avons aussi évoqué rapidement les régions où il fut longtemps travaillé et où il l’est encore parfois. Nous allons maintenant voir en détail comment le mettre en oeuvre pour réaliser ces vanneries si typiques par leur esthétique, leur rusticité et leur robustesse.
Besoins
On imagine mal aujourd’hui l’importance des besoins en vannerie de châtaignier au début du xxe siècle. Elle était tout simplement phénoménale, des pans entiers de notre économie faisant appel à elle, comme la pêche, l’agriculture, la viticulture, l’exploitation des mines, etc
Récolte Le châtaignier est soit recépé (vannerie, cerceaux de barrique, piquets), soit conduit en futaie pour son bois d’oeuvre, soit planté en châtaigneraies et greffé pour ses fruits. Il est rarement traité en têtard. La première de toutes les étapes, avant la transformation du châtaignier en lattes puis en vanneries fonctionnelles, c’est la récolte des rejets ou perches, âgés selon les destinations de 3 à 10 ou 15 ans. Si les vanniers amateurs récoltent leur bois à
mesure des besoins, les vanniers professionnels devant rationaliser leurs activités, ont ménagé un temps pour la récolte des perches. Celle-ci se fait toujours en hiver, en dehors des périodes de croissance de décembre à février.
En dehors de cette période il sera « trop gras », comme on le dit en Bretagne, et cassant. Nous n’avons recueilli qu’un seul témoignage de récolte tout au long de l’année, sans tenir compte ni de la lune, ni de la saison, c’est celui de Roger Chinaud, en Catalogne. Dans tous les autres collectages, nos informateurs nous ont dit récolter en hiver.
En revanche, s’il est un critère qui fait l’unanimité et qui semble essentiel dans le choix du bois à la récolte, c’est l’absence de noeud sur les perches récoltées. C’est-à dire sur leur partie basse, qui va de la souche (ou cépée) jusqu’aux premières ramifications, soit entre 1,50 m et 2 m de haut.
Mode opératoire
On obtient ces lattes de plusieurs manières différentes : à froid ou à chaud, en levée d’éclisses (assez rarement), ou par refente en quartiers ou
par moitiés. Ces modes d’obtention semblent plus attachés au vannier lui-même et à son savoir-faire, qu’à une répartition géographique précise. Le plus répandu d’entre eux est la refente à chaud. Hormis le châtaignier, la technique de la refente de lattes concerne plusieurs espèces de bois : le chêne, le merisier, l’érable, le saule, la bourdaine, le frêne, et même le mimosa, le noisetier, etc. À froid, la technique demande une maîtrise du geste et une connaissance de la façon dont réagit le bois plus approfondie. Elle convient à certains vanniers expérimentés, mais est délicate pour les débutants et/ou ceux qui sont habitués à fendre à chaud. À froid, la seule alternative consiste à travailler le bois vert, avant séchage, juste après la récolte ou dans les jours ou semaines (en hiver, stockage impératif à l’ombre) qui suivent. Plus communément utilisée, la technique de refente à chaud est pratiquée partout où poussent les jets de châtaignier, nous l’avons vu pratiquée en Normandie, en Corse, en Ardèche, dans le Limousin, au Pays basque français et espagnol, au Portugal, en Galice comme en Estrémadure (Espagne), etc. Elle se pratique toujours sur du bois chargé d’humidité, soit parce qu’il est fraîchement récolté, soit qu’on l’a immergé dans des fosses, s’il avait préalablement séché.
Grâce à cette immersion on peut le refendre plusieurs semaines ou mois après la récolte. Un bois sec de 2 ou 3 ans peut très bien être immergé plusieurs semaines, il retrouvera sa souplesse et se fendra parfaitement après la chauffe. La chauffe la plus simple se fait directement après un passage à la flamme (cheminée ou feu de camp). Mais on peut aussi passer les perches au four, avec la braise ou après la cuisson du pain ! On peut le cuire directement dans l’eau, ou l’étuver à la vapeur d’eau. Le choix dépend du besoin et de l’équipement du vannier. Si vous ne travaillez que quelques perches par an, une cheminée ou même un petit chalumeau à gaz feront très bien l’affaire. Si vous avez de gros volumes à traiter, un four ou, mieux, une étuve seront plus appropriés. Toute la difficulté de la chauffe consiste en son homogénéité, pour éviter le dessèchement du bois ! C’est pourquoi le cuire à l’eau ou l’étuver est bien plus facile que la chauffe à sec (cheminée ou four). Dans le premier cas, le bois peut rester dans l’eau ou sous l’action de la vapeur un temps indéfini… Dans le second cas, il faudra le laisser sous l’action de la flamme un temps restreint, qui ne peut s’apprécier qu’avec l’habitude et la pratique. Pour le travail du châtaignier à l’étuve voir le LLC n° 5, reportage « Au pays des feuillardiers », pp. 46- 55…
Pour lire l’article complet achetez « Le Lien Créatif n° 18 » pages 54 et 55