L’art de la récupération façon Lois Walpole
Sortir des sentiers battus n’est pas évident. La vannerie contemporaine ouvre des portes jusque-là peu explorées, l’imagination des artistes et leur dextérité font que certains d’entre eux sortiront du lot et laisseront une empreinte évidente de leur travail. On dit alors qu’il y a un avant et un après untel ou unetelle ! En redonnant vie à une matière première condamnée par avance à finir dans le fond d’une poubelle, Lois Walpole souligne le non-sens de nos gaspillages en tout genre et montre qu’avec « rien » on peut faire beaucoup. Le résultat est bluffant !
Dix vies n’y suffiraient pas!
Prévert lui-même n’aurait pu imaginer pareil inventaire. On se surprend à chercher, dans cet atelier de vannerie atypique, le raton laveur de service! Imaginez un peu : sacs poubelles de 50l remplis de colliers métalliques ou de bouchons de champagne, cagettes à légumes pleines de bouchons de vin, cartons gavés de capsules de bière, d’autres qui débordent de canettes… vides, les canettes ! Et Lois qui s’excuse d’une telle profusion, précisant que ce n’est pas elle qui a consommé toutes ces boissons-là .
On la croit sans peine, dix vies n’y suffiraient pas!
Tristes trésors
« J’ai besoin de cette abondance pour créer » explique-t-elle… Et, en effet, dès lors qu’on est limité par la matière première, il est difficile de se lâcher et de donner libre cours à son imagination.
Cela dit, tant d’objets de récupération accumulés dans un si petit atelier pourraient s’entasser dans un bon gros foutoir… Il n’en est rien : les étagères accueillent, soigneusement triés et rangés, de pleins cartons de bouchons plastique de toutes tailles et de toutes provenances, des cordes en nylon de toutes les couleurs apportées par une amie agricultrice, des cartons d’emballage, des briques de lait, d’autres de jus de fruits, des boîtes de camembert, des packs bigarrés, des bobines de sangles incolores ou de fils au contraire multicolores, des gaines plastique de fils électriques froides parce que tristement grises et bien d’autres « trésors » qui, en temps normal auraient fini leur vie à la déchetterie de la communauté de communes du coin.
Un univers à la Tim Burton
Lois s’amuse de notre étonnement et esquisse un sourire d’enfant émerveillé… « La vie est un jeu » semble-t- elle dire, lorsque, amusée, elle fouille dans ce bazar, genre souk d’Afrique du Nord et nous raconte en quelques mots les raisons qui justifient la présence de ces trouvailles !
Tout y est étrange, mais rien ne surprend, parce que si hétéroclite que soit cet univers, tout semble être à sa place. On hésite entre le magasin spécialisé en matériaux originaux, façon Tim Burton, ou une moderne caverne d’Ali-Baba, où serait rassemblés les vestiges nostalgiques d’un monde industriel, qui de toute son histoire, a produit plus de contenants que de contenus !
Inspiration africaine ?
En redonnant une nouvelle vie à une matière première considérée comme un déchet, elle souligne le non-sens de nos gaspillages dont on sait qu’ils compromettent gravement l’avenir de notre planète. Celle-ci possède des ressources limitées, que fera-t-on quand elles seront épuisées ? Il faudra bien (ré) apprendre le minimum d’autonomie vitale qui permettra à tout un chacun de faire beaucoup avec «des petits riens». En pionnière inspirée, Lois nous ouvre le chemin d’une certaine sagesse, celle de l’économie de moyens… Et le résultat est là, surprenant par l’audace des choix – quel vannier imaginerait tirer parti de si vilaines gaines – que par l’esthétique des œuvres réalisées.
Admirant les harmonies qui naissent de l’assemblage de ce bric-à-brac, l’image d’une inspiration africaine vient d’emblée à l’esprit !
Non, écossaise !
Lois s’en défend, elle n’a passé que quelques jours en Afrique, longtemps après ses premiers pas en vannerie ! Son sens des harmonies, elle le cultive depuis qu’enfant, elle a appris de sa grand-mère écossaise, l’art du mélange des couleurs.Tricoteuse hors pair, l’aïeule a transmis à sa petite-fille ce don qui permet de marier avec bonheur les teintes les plus vives, sans note discordante. Les tissus écossais témoignent de cet art subtil, qui ne supporte pas la faute de goût, exactement de la même manière que ces réalisations africaines faites de rien, qui forcent l’admiration, tant elles sont abouties !
Appliqué à la vannerie contemporaine, l’art de la récupération façon Lois Walpole, atteint ce même degré de perfection.
En fait, ajouté au talent lui-même, c’est bien un haut niveau de technicité qui permet de pallier le manque d’esthétique du matériau de base. La virtuosité du geste, la répétition et la précision des motifs géométriques, façon tissu écossais, sont sans doute l’un des secrets des harmonies créées de toutes pièces avec ceux qui ne sont pour la plupart d’entre nous que des rebus inutiles.
Lois maîtrise son art aussi sûrement que les techniques vannières dont elle se plaît à rappeler l’universalité. Ce faisant elle nous montre le chemin d’une artiste accomplie qui a su, avant tout le monde, sortir des sentiers battus et ouvrir des voies nouvelles à l’un des plus vieux métiers du monde.
La suite avec l’interview de Lois Walpole p. 14 du LLC n° 5
Le site de Lois Walpole