Un fou d’osier, Gérard Bloyer
Gérard Bloyer
Il s’exprime peu, mais n’en pense pas moins ! Ses réflexions sur les mutations de notre société sont mesurées et sensées, elles traduisent une profonde incompréhension de l’évolution des mentalités ambiantes qui voudraient imposer le mercantilisme comme étant la valeur prépondérante de notre culture ! Quant à ses indignations sur la manière catastrophique dont nous gérons ce patrimoine naturel dont nous avons la charge et que nous devrions léguer intact aux générations futures, elles ne sont que le reflet d’un profond bon sens…
Pas de maître !
Cela fait 25 ans que notre homme pratique la vannerie et s’y investit totalement. Apprenant à connaître cet étonnant vannier, nous avons découvert, à demi-mot, car il ne fait pas dans le prosélytisme, que l’atelier de vannerie peut aussi devenir un atelier de réflexion et de sociologie !
Pour Gérard Boyer, les valeurs sociales et environnementales devraient occuper bien plus de place que celle qu’on leur accorde aujourd’hui ! Cette réflexion n’est pas pour nous déplaire.
Cela dit, rien n’oblige à adopter la pensée dominante, Gérard le sait et fait de la résistance.
Comme pour tous ceux qui nous reçoivent, sa motivation première, c’est le partage…
« Une manière comme une autre d’oublier les aléas de la vie et de s’occuper l’esprit » avoue-t-il humblement ! On le sent habité, autant par ses réflexions, que par son art. Ses œuvres originales témoignent d’une envie de faire ce que les autres ne font pas !
Lui a tout appris sur le tas, jour après jour, découverte après découverte. Très peu auprès d’autres vanniers ; en fait, il nous confie « ne pas avoir eu de maître » !
Ses premiers pas, il les a faits en copiant un panier sur arceaux acheté au marché local. D’autres tours de main, comme le spiralé cousu, il les a acquis « en regardant faire » les collègues.
Au risque de s’étrangler
D’autres fois, c’est en visionnant une vidéo qu’il a pu reconstituer une technique.
C’est ainsi qu’il découvre et remet sur le devant de la scène, les bosselles, des nasses en châtaignier dont il nous présentera un jour prochain, la fabrication.
En attendant, il nous fait découvrir les singularités de cet objet original grâce à une maquette, en éclaté, de ladite nasse à anguilles ; une présentation qui l’accompagne sur chacun des salons où il expose.
Aux tâtonnements du début succède rapidement une maîtrise de la matière et du geste.
Seul face aux problèmes rencontrés, il n’a d’alternative que de créer sa propre méthode de travail. Pas catholique du tout, les puristes risquent de pousser des hauts cris, certains de s’étrangler… Sauf que, quand on voit le résultat, on ne peut que mettre chapeau bas ! C’est aussi ça le charme des rencontres : repérer ceux qui sortent des sentiers battus, et les faire connaître…
Avec Gérard, on a été gâtés !
Parmi les originalités de ses techniques, il travaille avec des osiers frais, mais les fait cuire une demi-heure à gros bouillon.
Dans les faits, Gérard ne regarde pas sa montre, lorsque le bois est prêt, « il dégage une odeur spéciale, c’est que la cuisson est prête ». En plus, voilà qu’il faut avoir du nez ! ça, on ne nous l’avait pas encore dit !
Quand on lui demande de décrire ce parfum d’osier « cuit à point », il précise tout de même que « définir cette odeur est impossible, c’est celle de l’osier cuit ! ». C’est avec l’expérience, qu’on décèle rapidement ce petit détail odorant. Lui seul suffit pour comprendre qu’il est temps de sortir le bois de l’étuve et de vérifier qu’il se pèle tout seul. Si pour des raisons diverses et variées, la cuisson est prolongée, le bois se teinte, c’est une des astuces retenues par notre aventurier de l’osier pour obtenir des nuances intéressantes, et naturelles ! L’écorçage après cuisson permet à la fois de donner du « brillant » à l’éclisse, mais aussi de lui conserver sa souplesse plus longtemps qu’une éclisse ordinaire.
Le dessus du panier
La refente au fendoir permet d’obtenir trois belles éclisses souples, des tierces ! Gérard a essayé de refendre son osier en 4, les éclisses étant plus cassantes, il a abandonné le fendoir à 4 gorges !
Bien sûr, on a oublié de le dire, mais autonomie oblige, Gérard cultive ses osiers jaunes !
La tierce d’éclisse obtenue, il lui enlève le cœur, boisé et cassant, au couteau, d’un geste assuré et rapide, comme il le fait avec les longues éclisses de châtaignier qu’il prélève sur des rameaux de 4 ou 5 ans. Mais, n’en disons pas plus, son aventure avec le châtaignier est si singulière que nous lui consacrerons un sujet, avec la présentation de ses nasses ! Patience…
Sur arceaux, le vannier associe côtes de châtaignier et tierces d’osier refendues. Bordures hautes, anses et côtes sont obtenues à parti des cœurs des baguettes de châtaigniers.
« Vous verrez c’est facile ! »…
Pas de grande leçon, mais une envie de partage extraordinaire, tous les trucs et astuces patiemment accumulés, il les partage sans retenue. Les paniers finis, certains sont vernis : « ils vieillissent mieux ! ». Un étonnant panier à laine attire notre attention… Une commande qu’une cliente n’est pas venue chercher… Quatre paniers, tressés côte à côte, d’un seul jet d’éclisses, sans raccord… Le secret, les endroits les plus délicats, là où la clisse subit le plus d’efforts et de contrariétés, l’éclisse de rotin remplace celle d’osier… Le subterfuge est invisible, Gérard n’aurait rien dit, on n’aurait rien vu !
Mais le plus surprenant pour l’œil, c’est le dessus du panier, cet ensemble de bordure haute si soigné, comment s’y est-il pris ? Simplement en réalisant dans une plaque de contreplaqué un gabarit où les côtes sont enfilées dans des trous préalablement percés dans ce plateau original.
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